Sur le thème : « Penser les futurs africains en réponse aux défis planétaires » s’est ouvert le Colloque international African Research Matters (15-18 mars 2022, à Saint-Louis), avec l’ambition de porter les solutions de la recherche africaine aux problèmes du continent et du monde.
SAINT-LOUIS, (16 mars)- L’idée d’une recherche en sciences humaines et expérimentales produites sur l’Afrique avec une perspective africaine, mais au service de l’humanité, n’est pas nouvelle en soi, si l’on en croit Godwin Murunga, le secrétaire exécutif du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), citant le professeur sénégalais à l’université de Columbia, aux Etats-Unis, Mamadou Diouf.
En effet, penser le devenir africain par la recherche universitaire et hors du champ académique s’inscrit dans une tradition du monde intellectuel et culturel noir. Et les chercheurs africains contemporains, qu’ils soient installés sur le continent ou dans les diasporas s’inscrivent dans « cette tradition noire qui a existé bien avant, en Amérique du nord, les Caraïbes », selon Murunga. Seulement, doivent-ils garder comme boussole la pensée de l’Africain-Américain Kenneth Clark (1914-2005). « Si nous voulons être les maîtres de notre destin, nous devons être les maitres des idées qui influencent ce destin », écrivait déjà le psychosociologue et militant des droits civiques.
Car, comme l’affirme le chercheur nigérian, ancien secrétaire exécutif du Codesria, Adebayo Olukoshi, « sans doute le développement durable de l’Afrique ne commencera pas si les luttes des programmes, des initiatives n’émanent pas des Africains. »
Il apparait donc important pour les chercheurs africains et d’origine africaine de « se reconnecter à ces savoirs, à ces idées glorieuses », comme le rappelle Murunga. Ce à quoi s’attèle Global Africa, la revue dont le premier numéro a été lancé en prélude à ce Colloque international African Research Matters.
Pour Régis Dantaux, de l’ambassade de France au Sénégal, partenaire de l’évènement, le lancement du premier numéro de la Revue Global Africa, présentée en anglais, arabe, français et swahili, part du constat que «la recherche africaine n’est pas très valorisée, alors qu’elle apporte une contribution non négligeable aux problèmes contemporains. »
Secrétaire exécutif Codesria : « Faire entendre les voix africaines de la recherche »
En organisant, ce grand raout de la pensée et de la recherche, les initiateurs se positionnent aux antipodes de la recherche européenne de jadis et sa perspective europécentrée. En d’autres termes, il s’agit de « penser l’Afrique et le futur du monde à partir de l’Afrique, depuis l’Afrique et ses diasporas et d’universaliser les résultats des recherches », indique le secrétaire exécutif du Codesria.
Hôte de l’évènement, Mame Penda Ba, enseignante-chercheure à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, directrice du Laboratoire d’analyse des sociétés et pouvoirs / Afrique-Diasporas (LASPAD) et rédactrice en chef de la revue Global ne dit pas autre chose quand elle déclare qu’il faille« faire entendre les voix africaines de la recherche africaine grâce à la mobilité et la durabilité, dans une dynamique d’interdisciplinarité. » Citant le regretté Frantz Fanon, et prenant l’exemple des vaccins anti-covid produits hors du continent, elle déclare, en substance, qu’il est important de « développer une pensée neuve, un homme neuf afin de réduire et annihiler à long terme la dépendance. »
Importance des universités et rôle des pouvoirs publics
En ce sens, l’université tient un grand rôle à jouer dans la formation de chercheurs ; et les pouvoirs publics dans le financement de la recherche. Sur ce dernier point beaucoup d’efforts restent à être consentis par les États africains pour porter à 1% de leur budget le financement de la recherche, comme recommandé par les instances habilitées.
Or, pour Mme Bâ, une refondation épistémique et radicale s’impose pour sortir de la pensée stéréotypée.
Divers sujets sont au programme de ces quatre jours du colloque, qui accueillent deux-cents participants venus des quatre coins du globe. Comme l’a souligné Ousmane Thiaré, recteur de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, « ce colloque s’inscrit dans un mouvement de partage, de propositions, de questionnements des humanités africaines pour des réponses aux préoccupations du continent et du monde ». Le tout par une démarche « de co-construction et de co-valoriasation, mais également d’anticipation », selon la PDG de l’Institut de recherche en développement (IRD). Ce qui implique, selon Valérie Verdier, de prendre en compte les questions de la jeunesse, de la mobilité, des langues (africaines), etc., qui constituent autant de sujets de recherche.